Dans son récent ouvrage, le philosophe Ollivier Pourriol fait « L’éloge du mauvais geste ». Coup de boule de Zidane, main de Maradona ou agression de Schumacher sur Battiston. Le propos ici n’est pas de philosopher mais de mettre en lumière les émotions suscitées par ces gestes portant à confusion. Le match Ghana-Uruguay a été marqué par la main de Luis Suarez sur sa ligne en toute fin de partie. Un tournant puisque le rennais Gyan a manqué la transformation du pénalty et que la Celeste a validé son ticket pour les demi-finales dans la séance de tirs aux but qui a ponctué ce quart de finale.

Question d’éthique, on ne peut cautionner ce comportement, pourtant le joueur de l’Ajax d ‘Amsterdam est aujourd’hui un héros dans son pays. La presse uruguayenne titrait ce matin : « Vive les mains de Luis Suarez », tout est dit. Dans un sourire, il a même osé la comparaison avec la « main de Dieu » de Diego Maradona face à l’Angleterre dans un mythique quart de finale du Mondial 1986. L’argentin n’a en rien terni son image avec ce geste qui fait partie de sa légende. 

Bien sur Suarez n’est pas « El Diez » mais son sacrifice a permis à sa formation de se qualifier. Peut-on valoriser ce genre de comportements ? Non ! Dans les compétitions de jeunes voir de très jeunes joueurs où les cartons rouges ne sont pas légion, un accord tacite accorde le but illicitement empêché. Il y a là une réflexion à mener de la part des instances internationales pour ne par encourager ces pratiques antisportives. 

Rappelez-vous le tollé susciter par la main de Thierry Henry face à l’Irlande. Dans un soir de novembre au Stade de France, l’international français qualifie son équipe en servant William Gallas. Problème l’ex-blaugrana a contrôlé le ballon de la main. Souvenez-vous les réactions du public français, des médias ou des politiques. Dans l’hexagone la honte et le manque de fair-play des joueurs au coq ont été vilipendés sans relâche. Ne peut-on pas y avoir un reflet du désamour naissant entre les français et leur sélection nationale. A l’inverse aucune critique n’est venue ou ne viendra ternir la côte d’amour de Maradona et Suarez. Il est vrai que le numéro 10 albiceleste a, dans la même rencontre, inscrit un but qui restera surement comme l’un des plus beaux jamais marqué en phase finale. 

Le fair-play n’est-t-il que question de pays, de joueur ou de contexte ? Non mais la main bienvenue de Luis Suarez a sauvé son pays permettant à cette rencontre par ailleurs moyenne de prendre un contour romanesque. La frappe de Gyan s’écrasant sur la barre avant que De Abreu ne finisse la série par une panenka zidaneque et envoie son équipe rejoindre les Pays-Bas. Jeu de main, jeu de vilain dit le proverbe, les sud américains cultivent le jeu de main, jeu de malin.


Samuel Auffray


Les mains de Luis Suarez en 2010




La main de Thierry Henry en 2009




La main de Diego Maradona en 1986