A quelques jours de la première Coupe du monde sur le sol africain, une étude rendue publique mardi à Paris conclut que le Mondial 2010 «représente une opportunité unique d'instaurer les fondations d'un modèle économique viable pour le football africain».

Si les défis à relever sont nombreux (développement des infrastructures, professionnalisation des clubs, développement de la formation...), Ineum consulting et Euromed Management soulignent aussi les atouts du football africain, avant tout la passion populaire pour le sport n°1 du continent, mais aussi la valeur sportive et économique des meilleurs joueurs. Problème, parmi beaucoup d'autres : l'argent du talent profite trop peu aux pays où il a pris racine.

«Pour bénéficier véritablement de son intégration au marché international des transferts, le football africain doit absolument construire un modèle économique lui permettant de renforcer son pouvoir de négociation», insistent les auteurs qui prônent une implication des investisseurs privés locaux et extérieurs comme des états ou des mécènes.

Le poids des « intérêts privés »

Avant toute chose, expliquent les nombreux experts interrogés pour cette étude, les championnats africains doivent gagner en lisibilité. Il n'est pas rare que le fait du prince brouille le déroulé des compétitions et dissuade partenaires et diffuseurs TV. «En matière de calendrier, il arrive trop souvent que les intérêts privés l'emportent sur l'intérêt général, ce qui nuit considérablement au développement des championnats locaux», relève ainsi Henri Stambouli, ex-sélectionneur de la Guinée, du Mali et du Togo.

A l'inverse, l'étude pointe de nombreuses bonnes pratiques : le développement du foot pro au Sénégal et au Cameroun ; l'effort pour les stades en Algérie et au Maroc ; le cahier des charges de la CAN qui impose depuis Ghana 2008 des enceintes réutilisables en Championnat ; l'exemple du Kenya pour l'amélioration de la production TV (donc de la publicité et du sponsoring) ; l'utilisation du web comme levier marketing en Tunisie et en Afrique du Sud ; ou encore, en matière de formation, les initiatives de "Diambars" (Bernard Lama) au Sénégal ou de "Yeelen", parrainé par Frédéric Kanouté, au Mali.

«Construire un professionnalisme à l'africaine»

Les auteurs préconisent «non pas un mais des» modèles de développement qui tiennent compte de situations économiques fortement contrastées. Les grands clubs égyptiens et tunisiens (Al Ahly, Zamalek, Espérance de Tunis, Etoile du Sahel, Club Africain) disposent de budgets (de 12 à 25 millions d'euros) qui leur permettraient de rivaliser dans de nombreux championnats européens (Suisse, Turquie, Pays-Bas), tandis que les revenus des clubs marocains, ivoiriens ou maliens sont cinq, dix voire cent fois inférieurs.

«Il faut faire preuve d'inventivité pour construire un professionnalisme à l'africaine (sans commune mesure avec le professionnalisme européen) avec comme objectif d'éviter l'exode massif de joueurs vers des pays exotiques, explique Claude Le Roy, ex-sélectionneur du Cameroun, du Ghana, de la RDC et du Sénégal, aujourd'hui coach de la sélection d'Oman. Cette professionnalisation doit également permettre à l'Afrique de conserver ses meilleurs joueurs plus longtemps.» Vingt ans après l'explosion médiatique du football africain (le Cameroun au Mondial 1990), une perf de ses six représentants en Afrique du Sud aurait valeur d'encouragement pour tout le continent.

La L1, terre d'Afrique

Du "Big Five" européen, la L1 est de loin le Championnat le plus "africain" avec 39,2% de joueurs nés en Afrique parmi les étrangers, contre une proportion de 9,8% en Allemagne et en Angleterre, 8,5% en Liga et 5,4% en Serie A. Preuve que l'Afrique a du mal à conserver ses meilleurs joueurs, même très jeunes, plus de la moitié des Africains d'Europe ont été formés en dehors de leur pays d'origine, contre 11% seulement des Sud-Américains.

Les nouveaux règlements FIFA, qui ont limité puis interdit (en 2009) la venue de joueurs de moins de 18 ans favorisent toutefois la formation locale. Une chance pour l'Afrique, sauf si, faute de formation de qualité, ses équipes nationales étaient exclusivement composées demain de joueurs... nés en Europe.